Accueil

François Vigorie

Sculpteur de verre et de lumière

François Vigorie a donné ses lettres de noblesse à l’art du verre.

Car pour cet autodidacte à la vocation précoce, il s’agit bien d’art et non plus d’artisanat pour celui dont le travail dépasse les techniques d’ornementation verrière ou décorative. Son long apprentissage a des allures initiatiques qui lui feront maîtriser étape après étape des processus techniques qu’il pressent indispensables à sa création. Sans doute son activité d’ingénieur lui a-t-elle facilité des acquis scientifiques dont il va tirer tout l’enseignement pour un langage qui le libère de leurs contraintes et l’ouvre sous la pression d’un imaginaire et une inventivité constante, à un univers personnel.

Novateur, il est le pionnier d’un art dont il reste un des interprètes les plus singuliers.

La matière, la lumière, se révèlent à lui conjointement au dessin qu’il délaisse tout en gardant le recours au trait. Il l’exerce en expérimentant le phénomène physico-mécanique du « jet de sable » et en renouant avec le graphisme grâce à l’abrasion.

Nous sommes à la fin des années soixante-dix, un monde illusionniste émerge sous ses mains expertes. Une suite de gestes savants, maîtrisés tout autant qu’improvisés entreprennent un corpus dont la magie opère sur notre regard. Les formes se renouvellent, se réinventent selon des techniques qu’il expérimente : le pochoir, l’érosion rapide en projetant de l’oxyde d’aluminium sur le bloc de verre par un jet à très haute pression qui attaque, creuse la matière. Tel un sculpteur de taille directe, il parvient avec des moyens chimiques à enlever de la matière. Il ne s’agit pas de modeler le verre, de le souffler suivant la tradition ancestrale des égyptiens, des étrusques, mais bien de travailler le verre comme le marbre. Évider, jouer avec les vides, les coupes offertes aux formes peintes en creux.

L’immédiateté de l’érosion travaille comme le ciseau du sculpteur, il enlève de la matière mais n’en rajoute pas. Le volume trouve sa forme, se construit d’armatures translucides, de traces alluvionnaires, d’excroissances. Telles les arêtes d’une sculpture abstraite qui accrochent la lumière, elles facilitent les réverbérations dans des alvéoles qu’elles révèlent.

François Vigorie, sculpteur de verre est un alchimiste.

Il connaît les risques encourus par des procédés dont il mesure tous les possibles, de l’échec à la surprise de faire naître une œuvre. Regarder une sculpture de verre de Vigorie c’est faire l’expérience de l’espace, affronter un vertige visuel, entreprendre un voyage dans une stratosphère improbable. Une nouvelle étape est franchie avec l’intrusion de la lumière colorée. Ce qui s’est révélé autant dans l’urgence de ses sensations que dans la réflexion d’un travail pensé s’enrichit de nouvelles interventions. Il y a chez Vigorie un goût pour la découverte, qui sans renoncer à ses conquêtes lui permet de reprendre des motifs (il les appelle « mes petits soldats » soumis à des variations par l’intervention d’une gamme colorée aux multiples effets chromatiques. Outillage en main, il crée une partition fuguée. Il ose et réussit l’illusionnisme de la lumière colorée dont il veut rendre tangible la transparence.

Sous la pression de tout un processus structurel, rigoureusement maîtrisé mais laissant toute latitude à l’aléatoire, les blocs subissent des interventions, blessures ou caresses, selon les assauts d’un procédé technique à froid.

Il y a de l’anamorphose dans ces assauts formels. Pliures, torsades, boursouflures, alvéoles, sont simultanément des métaphores et des suggestions anthropomorphiques que la couleur transforme sans cesse au gré des heures de la journée et de l’éclairage. Le jeu des alternances est un des facteurs interprétatifs : polissage et fracture, transparence et opacité, rigueur géométrique et baroque.

Rentrer dans une sculpture de verre de François Vigorie revient à découvrir une image nouvelle de l’univers.

L’expérience rétinienne est consubstantielle à la substance du verre : dure, cassante, transparente, illusoire par le rêve qu’elle porte.

Chaque sculpture de François Vigorie est la strophe d’un poème offert à l’humanité.

 

Lydia Harambourg
Historienne Critique d’art
Membre correspondant de l’Académie des beaux-arts
2024

 

Actualités